«La conférence des responsables de culte en
France a été créée le 23 novembre dernier et elle regroupe six instances
responsables du bouddhisme, des Églises chrétiennes (catholique, orthodoxe,
protestante), de l’islam et du judaïsme. Cette initiative est justifiée par la
volonté d’approfondir notre connaissance mutuelle, par le sentiment de
contribuer ensemble à la cohésion de notre société dans le respect des autres
courants de pensée et par la reconnaissance de la laïcité comme faisant partie
du bien commun de notre société. La laïcité est un des piliers de notre pacte
républicain, un des supports de notre démocratie, un des fondements de notre
vouloir vivre ensemble. Veillons à ne pas dilapider ce précieux acquis. Il nous
paraît capital, pendant cette période préélectorale, de bien garder sereinement
le cap en évitant amalgames et risques de stigmatisation. Nous signons ensemble cette tribune sans aucun
esprit polémique ou partisan. Une parole commune nous semble néanmoins
nécessaire. Notre cohésion au sein de la conférence que nous avons fondée est
significative dans notre société française. elle a été rendue possible grâce
notamment au climat de coopération instauré entre les religions, que la
“laïcité à la française” et ses évolutions depuis plus d’un siècle ont permis. Mais cette cohésion ne signifie pas pour
autant uniformité ! Elle ne nous engage nullement en faveur d’un quelconque
amalgame syncrétiste ou d’un nivellement de nos positions individuelles et de
celles des cultes que nous représentons. Nous travaillons ensemble dans la
confiance, en intégrant nos histoires et identités respectives. Nous continuons
à avoir des approches différenciées sur telle ou telle question, sans pour
autant faire de nos différences des facteurs d’opposition. Nous sommes
déterminés à réfléchir et à œuvrer ensemble sur la durée, en relation avec les
autorités et les forces vives de notre pays, afin que le facteur religieux y
soit un élément de paix et de progrès. L’accélération des agendas politiques risque,
à la veille de rendez-vous électoraux importants pour l’avenir de notre pays,
de brouiller cette perspective et de susciter des confusions qui ne peuvent
qu’être préjudiciables. Nous en sommes conscients. Cela ne doit pas nous
dissuader pour autant de rappeler l’essentiel quand il le faut. Nous restons
très attentifs aux évolutions profondes de notre société, notamment celles qui
concernent les religions, dans le respect du cadre de la république. Ces
évolutions appellent parfois des adaptations, voire des améliorations du cadre
juridique et réglementaire de l’expression et de la vie des cultes en France.
Nous ne manquerons pas d’être une force positive de propositions dans ce sens.
Faut-il dans le contexte actuel un débat sur la laïcité ? Le débat est toujours
signe de santé et de vitalité. Le dialogue est toujours une nécessité. Il a un
rôle majeur dans une société libre, démocratique et respectueuse de la personne
humaine. Mais un parti politique, fût-il majoritaire, est-il la bonne instance
pour le conduire seul ? Ce ne sont ni les débats ni les travaux qui manquent
dans ce domaine ! La loi de 1905 est déjà plus que centenaire. Elle a permis
d’apporter depuis lors des solutions à des questions nées de nouvelles
situations et des évolutions de notre société dans un monde de plus en plus
rapide. Tous les cultes adhèrent sans réserve à ses principes fondamentaux tels
qu’ils s’expriment en particulier dans ses deux premiers articles. Mais les
modalités d’application de ces principes restent toujours perfectibles. Faut-il
recenser tous les colloques et autres séminaires qui ont abordé en long et en
large la question de la laïcité et de ses applications dans notre pays depuis
des années ? Faut-il rappeler, dans la période récente, les travaux étendus et
exhaustifs de la commission présidée par le professeur Jean-Pierre Machelon,
qui ont donné lieu à un rapport sur “Les relations des cultes avec les pouvoirs
publics” remis au ministre de l’intérieur le 20 septembre 2006 ? Ce rapport
avait abordé d’une manière approfondie les différents aspects liés à l’exercice
du culte en France, dont celui du “support institutionnel” de son exercice dans
notre pays. Faut-il rappeler, de même, les travaux du “Groupe juridique
inter-cultes” qui travaille depuis 2007, dans le prolongement des
recommandations du rapport Machelon, au sein du ministère de l’intérieur et où
siègent des représentants des principaux cultes ? ce groupe a bien fonctionné
et a permis la publication de plusieurs circulaires, dont la dernière, du 23
juin 2010, conjointe aux ministères de l’intérieur et des finances, aborde
d’une manière détaillée, à l’attention des préfets, des directeurs
départementaux des finances publiques et des trésoriers payeurs généraux, les
différents aspects liés au “support institutionnel de l’exercice du culte en
France”. Faut-il rappeler aussi la production intellectuelle abondante
d’articles et d’écrits divers, ainsi que les nombreux ouvrages qui paraissent
sur l’histoire, les fondements, la pratique et les perspectives de la laïcité
en France ? La liste en sera longue. Elle illustre parfaitement toute la
richesse et la profondeur de notre expérience française de la laïcité. Nous y
reviendrons lors de la rencontre publique que nous comptons organiser en
octobre prochain. Secouée par des crises à répétition, politique, économique,
financière et morale, la période actuelle manque de lisibilité mais sans doute
pas d’espérance ! Le devoir de ceux qui sont “en responsabilité” consiste à
éclairer le chemin et à élaborer des solutions conformes au bien de tous.
N’ajoutons pas de la confusion dans la période trouble que nous traversons.
Nous militons ensemble pour une laïcité de bonne intelligence. La laïcité n’est
pas séparable des valeurs fondamentales que nous partageons, en particulier de
la dignité et du respect de la personne humaine et de sa liberté inaliénable.
Ces valeurs qui ne peuvent s’épanouir que dans la confiance mutuelle source de
paix pour notre société. »
La-Croix, mercredi 30 mars 2011
«
N’ajoutons pas de la confusion dans la période trouble que nous traversons »
Tribune
de la Conférence des responsables de culte en France (1)
(1) SIGNATURES : CARDINAL ANDRE VINGT-TROIS, président de la Conférence
des évêques de France, avec MGR LAURENT ULRICH, vice-président de la Conférence
des évêques de France, LE PASTEUR CLAUDE BATY, président de la Fédération protestante
de France, avec LE PASTEUR LAURENT SCHLUMBERGER, membre du Conseil de la
Fédération protestante de France, président du Conseil national de l’Église
réformée de France, LE METROPOLITE EMMANUEL, président de l’Assemblée des
évêques orthodoxes de France, avec LE METROPOLITE JOSEPH, secrétaire de
l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, et CAROL SABA, porte-parole de
l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, LE GRAND RABBIN GILLES BERN-HEIM,
grand rabbin de France, avec LE RABBIN MOSHE LEWIN, porte-parole du grand
rabbin de France, MOHAMMED MOUSSAOUI, président du Conseil français du culte
musulman, avec ANOUAR KBIBECH, secrétaire général du Conseil français du culte
musulman, LE REVEREND OLIVIER WANG-GENH, président de l’Union bouddhiste de
France Rosa Amor del Olmo Écrivant.
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